C'était juste là, à l'arrêt du bus. A deux pas de cet antre où j'apprends le grec moderne.
J'en revenais un peu fatigué, certes, mais heureux.
J'aurais presque bien fermé les yeux longuement pour éviter les trottoirs sales, les passants pas nets, les voitures poussiéreuses et les vitrines de fast-food suintantes de mauvaise graisse.
Je lève les yeux vers le tableau horaire. Encore 6 minutes à attendre.
Un peu plus haut que cet affichage lumineux fade, mon regard se fige sur un coeur. Un coeur qui semble tenu d'un fil par une femme peinte de noir. Une myriade d'oiseaux l'entoure et illumine le mur de cette façade qui, sans cet art salutaire, plomberait davantage encore l'ambiance urbaine.
Un luminaire encore éteint semble bien impuissant, de toute façon. Ces traits, ces couleurs n'attendent que le soleil pour vivre et s'assombrir au gré du ciel et des jours qui se lèvent et se meurent.
La maison d'à côté a la grise mine du Monde pas joyeux qu'on habite aujourd'hui.
Le coeur rouge, les oiseaux et ses compagnons d'art redonnent juste l'espoir, l'envie.
Presque l'envie de ne pas reprendre le bus qui, avec ses habitués, ses visages renfrognés, ses rires retenus, ses sourires trop figés, me fait reprendre la route.
Mais je sais qu'au bout du chemin, un autre coeur m'attend. Celui de l'homme que j'aime.